À l’ère du tout numérique, où les écrans occupent une place centrale dans notre quotidien, une question importante se pose: quel impact ont-ils sur les plus jeunes, et notamment sur les enfants de moins de 3 an? C’est dans ce contexte que l’Unité Petite Enfance du service de pédopsychiatrie du CHL, représentée par le Dr Catherine Avaux (pédopsychiatre), Margaux Bonte (psychologue) et Delphine Plumier (psychomotricienne), a pris l’initiative d’organiser une conférence intitulée « Écrans et petite enfance: impacts sur le développement des 0-3 ans», dans le cadre de la Semaine de la Santé Mentale.
Les effets néfastes des écrans
La période 0-3 ans est une étape charnière pour le développement neurologique de l’enfant.Dr Catherine Avaux, pédopsychiatre au CHL, explique: «Depuis les années 2000, on sait que le cerveau se façonne en fonction des expériences vécues et de l’environnement. L’enfant naît avec un grand nombre de neurones, mais tous ne sont pas encore interconnectés. Ces connexions débutent pendant la grossesse et se renforcent en fonction des expériences de l’enfant.
Certaines connexions se consolident, tandis que celles qui ne sont pas utilisées disparaissent, un phénomène connu sous le nom de « l’élagage synaptique ». Cette plasticité cérébrale, bien qu’elle perdure tout au long de la vie, est particulièrement active entre le moment où l’enfant est dans le ventre de sa mère et l’âge de 25 ans. Cette période est également fragile parce que le tout-petit est entièrement dépendant de son environnement pour comprendre ce qui se passe autour de lui et en lui.»
Concernant les écrans, à cet âge, ils peuvent entraîner chez l’enfant des connexions neuronales insuffisantes ou anarchiques. Dr Avaux: «Les stimuli numériques activent une petite partie des neurones, au détriment des autres, entraînant ainsi un déséquilibre dans le développement cérébral. Chaque moment passé devant un écran est un moment en moins pour l’enfant d’explorer et de développer d’autres capacités essentielles (langage et communication, mémoire et concentration, motricité fine et globale, …).
Sur le plan psychologique, l’enfant, submergé de stimuli sans filtres pour les gérer, met en place des mécanismes de défense pour se protéger. Cela peut entraîner des troubles du comportement (troubles de l’oralité lors des repas avec écran, …) et de la régulation émotionnelle (agitation, irritabilité, agressivité, …). Dans les cas les plus sévères, certains enfants manifestent des comportements qui rappellent l’autisme (syndrome EPEE), bien qu’ils ne soient pas diagnostiqués comme autistes. Une exposition excessive peut aussi conduire à une forme de dépendance liée à la libération de dopamine lors de l’exposition.»
Écrans et petite enfance: Quelles sont les recommandations?
Pour favoriser un neurodéveloppement sain de l’enfant, il est recommandé aux parents de/d’:
- éviter d’exposer les enfants aux écrans avant 3 ans;
- ne pas laisser la télévision allumée en arrière-plan;
- éviter les contenus éducatifs sur écran avant 6 ans;
- prendre conscience de leur propre utilisation des écrans.
Margaux Bonte, psychologue dans le service de pédopsychiatrie du CHL, a souligné l’importance des interactions sociales, précisant que «l’enfant n’apprendra jamais aussi bien que dans l’expérience directe avec un adulte».
L’impact du jeu sur le développement des nourrissons et des enfants
Avec l’avènement de la psychanalyse, des figures comme Sigmund Freud, Mélanie Klein et Donald Winnicott ont mis en lumière l’importance du jeu dans le développement psychique, notamment chez les enfants. Leurs travaux ont également permis d’intégrer le jeu dans les psychothérapies infantiles, en reconnaissant sa valeur thérapeutique.
Le jeu est bien plus qu’un simple passe-temps pour les nourrissons et les jeunes enfants. À travers le jeu, les enfants explorent, apprennent et interagissent avec le monde qui les entoure, ce qui leur permet de s’épanouir à plusieurs niveaux:
- développement sensori-moteur;
- développement affectif;
- développement cognitif et intellectuel;
- développement global et construction de soi.
Qu’est-ce que jouer entre 0 et 3 ans?
Proposer régulièrement des activités ludiques variées et adaptées à l’âge de votre enfant est essentiel pour son épanouissement et son développement global.
- Les jouets à regarder
Le visage humain est le premier stimulus qui attire l’attention du nourrisson. Il est donc important de favoriser les interactions en face à face, surtout durant les deux premiers mois. Le jeu Caché-Coucou, à l’aide d’un foulard ou des mains, est particulièrement bénéfique, car il suscite le plaisir de l’inattendu et du suspense, développe des compétences comme le langage et la mémoire, aide à comprendre l’objet permanence (les objets continuent d’exister hors de vue) et favorise les interactions sociales et le partage du jeu. Dans le parc ou le lit, placez des objets avec des traits épais et nets, des couleurs vives, des éléments brillants, des objets en mouvement.
- Les jouets à écouter
Faites écouter au bébé la voix humaine, des comptines et chansons, des musiques douces et rythmées, ainsi que les sons du quotidien. En ce qui concerne les activités autour du langage, encouragez-le en nommant les objets ou actions, par exemple «Où est papa?», en accentuant les mots-clés avec intonation et gestes, en menant de courtes conversations en face à face et en chantant des comptines ou en lisant des livres illustrés.
- Les jouets à toucher
Cela inclut des activités comme le portage et les massages, ainsi que la manipulation d’objets: à partir de 4 mois, le bébé peut saisir une petite balle et apprendre à tenir et frapper des objets. À 10-11 mois, il pourra remplir et vider des contenants. Privilégiez des objets en plastique pour éviter les blessures et encouragez-le à toucher ses pieds.
- Les jeux psychomoteurs
Les bébés passent par trois grandes phases: à plat (jusqu’à 6 mois), où l’on encourage les enroulements et la préhension; retourner (à partir de 4-6 mois), où l’on stimule le passage du ventre au dos; et les déplacements, où le bébé apprend à s’asseoir, ramper puis marcher.
- Les jeux sensoriels et d’imitation
Proposez des expériences sensorielles avec de la peinture, de l’eau (avec précaution), du sable ou de la pâte à modeler. Encouragez les premières imitations avec des poupées, des peluches ou reproduisant des tâches de la vie quotidienne.