Les personnes touchées par une maladie rare mettent parfois des années avant d’avoir un diagnostic. Steve, 25 ans, vit avec le syndrome de Kleine-Levin. Nous l’avons rencontré dans les bureaux d’ALAN-Maladies Rares Luxembourg pour nous raconter son parcours du combattant.
Le syndrome de Kleine-Levin est une maladie neurologique rare, de cause inconnue, et caractérisée par une hypersomnie, et des troubles cognitifs et comportementaux. Certains facteurs, tels qu’une infection et la prise d’alcool, seraient susceptibles de déclencher le premier épisode. Le syndrome touche 1 personne sur 500 000 et débute en moyenne autour de 15 ans. (Source : https://www.orpha.net).
Pourriez-vous me dire comment s’est déclarée votre maladie ?
Steve : « Le premier épisode a débuté à l’âge de 17 ans (année précédant le baccalauréat). Avec mes amis, nous aimions aller souvent en ville après les cours. Mais un jour, j’ai remarqué que j’en étais incapable. A peine rentré à la maison, je dormais pendant 12h, 14h voire même parfois 16h d’affilée. Je ne comprenais pas ce qui m’arrivait. Ensuite, il y a eu des hauts et des bas, mais ces épisodes d’hypersomnie ne disparaissaient pas. Après 6 mois, j’ai commencé à faire mes propres recherches sur Internet et je suis allé consulter mon médecin généraliste. Il a pensé à une dépression et m’a prescrit des vitamines pour retrouver ma vitalité. Cela a un peu aidé au début, mais les épisodes se sont de nouveau enchaînés par la suite. Soit, je dormais en classe, soit je restais tout le temps à la maison. »
Comment se manifeste-t-elle chez vous ?
Steve : « Pendant les épisodes, je souffre essentiellement d’hypersomnie, de déréalisation (sentiment d’être « comme dans un rêve ») et d’impulsivité verbale. Au début de la maladie, je souffrais en moyenne de 9 à 10 épisodes par an d’une durée moyenne de 1 à 2 semaines. »
A-t-elle eu des répercussions sur votre parcours scolaire et votre vie professionnelle ?
Steve : « Suite à mes épisodes d’hypersomnie trop fréquents et au stress engendré, je n’ai pas pu réussir mon bac. Je suis allé à Berlin avec ma copine, tout en suivant des cours en ligne (eBAC) pour obtenir mon diplôme de fin d’études. Mais j’ai vite été confronté aux difficultés quand il a fallu que je revienne au Luxembourg pour passer les examens écrits. Lors d’un épisode je ne pouvais ni conduire, ni prendre l’avion. J’ai donc décidé de faire un apprentissage en informatique, en Allemagne. Ils ont accepté pendant 2 ans, et l’année dernière, ils ont refusé que je passe les examens en raison de mes nombreuses absences aux cours. Depuis le 1er octobre 2019, je travaille dans une entreprise domotique en tant que programmeur. Mon patron est bien sûr au courant de mon état de santé. Pour l’instant tout va bien. Mon travail me plaît énormément et j’essaie d’adapter au mieux mon rythme de vie. »
Le syndrome de Kleine-Levin n’est pas facile à gérer au quotidien. Avez-vous eu besoin d’aide à un moment donné ?
Steve : « Oui, car j’ai souffert de dépression en raison de mes échecs scolaires. Pour m’aider à en sortir, j’ai fait une psychothérapie pendant 3 ans. Aujourd’hui, je possède les ressources nécessaires pour pouvoir gérer seul les difficultés/les échecs que je peux rencontrer au quotidien. »
Vous a-t-on prescrit un traitement ?
Steve : « Je prends un traitement au Lithium qui permet normalement de réduire la fréquence ou la durée des épisodes. Le suivi thérapeutique consiste à faire des analyses sanguines régulières. A l’introduction du traitement, c’était toutes les semaines, et maintenant, c’est tous les 3 mois. Il faut savoir que les effets secondaires du lithium sont nombreux et certains peuvent être dangereux. Mon médecin m’a conseillé de boire beaucoup d’eau chaque jour afin d’éviter une toxicité rénale liée à la prise du traitement. »
Grâce à ce traitement, constatez-vous une amélioration de votre état de santé ?
Steve : « Au fil du temps, je remarque que les épisodes deviennent moins fréquents et moins intenses au niveau de l’hypersomnie. Il y a deux ans, j’ai eu neuf crises au total. En 2019, seulement deux (dont une plus longue sur la durée). Donc, oui, je pense que le traitement fait effet. On dit que le syndrome disparaît autour de 30-35 ans, mais je ne suis pas convaincu de cette affirmation pour autant. Les patients souffrent certainement encore de légers troubles qui passent inaperçus. »
Votre cas est-il sévère ?
Steve : « Le syndrome de Kleine-Levin diffère vraiment d’un patient à l’autre. C’est difficile de savoir si mon cas est sévère ou non. Je connais d’autres personnes qui vivent en Allemagne et qui souffrent du Syndrome de Kleine-Levin. Contrairement à moi, elles ont moins d’épisodes mais des épisodes plus sévères et ont pu obtenir leur baccalauréat car elles ont été diagnostiquées plus tôt. Tous les cas sont différents. Il ne faut pas généraliser la maladie, ni exagérer les symptômes. »
Qu’est-ce qui a été le plus compliqué pour vous ?
Steve : « De ne pas avoir été pris au sérieux. Trop souvent les médecins pensent à une cause psychologique quand ils ne trouvent pas de diagnostic. Je suis entré dans un parcours d’errance diagnostique qui a duré 7 longues années au cours desquelles j’ai vu pas moins de 32 médecins. Je me suis rendu dans un centre de référence des maladies rares au CHU de Nancy et dans un centre spécialisé du sommeil à Berlin… sans résultat ! Pendant plus d’un an, je ne suis plus allé voir un médecin, car je n’en pouvais plus de ne pas être pris au sérieux. J’ai finalement décidé de me rendre dans un autre centre spécialisé du sommeil à Berlin qui est aussi actif dans la recherche des maladies de sommeil. On a suspecté le syndrome de Kleine-Levin et on m’a dirigé vers un expert qui, lui, a bien confirmé le diagnostic en février 2019. »