Lawrence Abu Hamdan (1985, Amman), qui se définit lui-même comme détective audio (Private Ear), a développé une œuvre singulière basée sur le son et l’écoute. Dans sa pratique réflexive, l’intérêt de Lawrence Abu Hamdan pour l’intersection du politique, du juridique et du social, le conduit à s’interroger sur les usages qui sont faits des sons et à ce qui se dérobe de nos mémoires individuelle et collective.
Lawrence Abu Hamdan
Air Conditioning (2022) est une œuvre monumentale, récemment entrée dans la collection du Mudam, qui se déploie sur plus de cinquante-quatre mètres et dont la genèse se situe entre mai 2020 et mai 2021. Lawrence Abu Hamdan a mené un long travail d’investigation, en examinant les données disponibles sur le site de la Bibliothèque numérique des Nations Unies. L’artiste a ainsi cartographié, sur une période de quinze ans, de 2007 à 2021, la surveillance et les violations de l’espace aérien libanais par l’aviation militaire israélienne, à la suite de la Résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui a suivi le conflit entre Israël et le Liban en juillet 2006.
Chacun des tirages de 365 cm de long représente une année et chaque centimètre correspond à une journée. La hauteur et l’épaisseur du panache déterminent respectivement le nombre d’avions et la durée des vols. Chaque type d’avion est disposé dans l’image selon l’altitude qu’il occupe.Enfin, la portée sonique de chaque véhicule – le vrombissement inquiétant des avions de chasse, le bruit sourd des véhicules aériens sans pilote (UAV) (Hermes 450, IAI Heron TP) et le bourdonnement persistant des drones quadricoptères – est définie par les tonalités et la densité des nuées.
À travers Air Conditioning, Abu Hamdan rend compte des effets de l’exposition systématique et prolongée à la pollution sonore omniprésente et des traumatismes qu’ils sous-tendent, qui constituent ce qu’il nomme « violence atmosphérique ». Les images sont occupées par un horizon de nuages de fumée, sans commencement ni fin. Comme un arrêt sur image, les sons se sont tus, comme promis à l’oubli. Deux dimensions coexistent, l’effacement et la trace. Afin de s’imprégner de cette texture fluctuante, Abu Hamdan nous invite à une expérience méditative qui exige un temps d’observation, un temps de déchiffrage.
Biographie
Lawrence Abu Hamdan (1985, Amman) a présenté des expositions personnelles au FRAC Franche-Comté à Besançon (2023), Museo Universitario Arte Contemporáneo à Mexico City (2023), Museum of Modern Art à New York (2023), à la Fondazione Sandretto Re Rebaudengo à Turin (2022), à la Sharjah Art Foundation à Charjah (2022), à Spike Island à Bristol (2022), à la Bonniers Konsthall à Stockholm (2021), au Hamburger Bahnhof – Nationalgalerie der Gegenwart à Berlin (2019), à la Chisenhale Gallery à Londres (2018) et au Hammer Museum à Los Angeles (2018). Il a reçu le prix Bill Douglas du court-métrage international en 2023 et le prix Turner en 2019 (partagé avec les autres artistes nominés : Helen Cammock, Oscar Murillo et Tai Shani). Ses œuvres sont conservées dans d’importantes collections publiques et privées, parmi lesquelles la Tate Modern à Londres, le Solomon R. Guggenheim Museum à New York, le Museum of Modern Art à New York, le Musée national d’art moderne – Centre Pompidou à Paris, le Museo Nacional Centro de Arte, Reina Sofia à Madrid, le Van Abbemuseum à Eindhoven, l’Arts Council Collection à Londres et la Barjeel Art Foundation à Charjah. Il vit et travaille à Dubaï.
Musée d’Art Moderne Grand-Duc Jean jusqu’au 9 juin 2024
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Lawrence Abu Hamdan, Air Conditioning, 2022 | Collection Mudam Luxembourg | Acquisition 2023. Vue de l’exposition Lawrence Abu Hamdan. Air Conditioning, 29.03 — 09.06.2024, Mudam Luxembourg © Photo : Studio Rémi Villaggi