Selon les statistiques 2018, plus de 8 millions de patientes sont atteintes d’un cancer au monde par an, et parmi elles, 15 % ont moins de 45 ans. La consultation en oncofertilité consiste donc à proposer à ces femmes en âge de procréer une stratégie de préservation de leur fertilité avant le traitement oncologique. Abordons plus précisément la technique de préservation du tissu ovarien.
La chimiothérapie ou la radiothérapie peuvent rendre les femmes – qui sont encore en âge de procréer – stériles et ménopausées. La congélation des embryons, des ovocytes ou du tissu ovarien peut alors être proposée si ces femmes désirent être enceintes après leur cancer.
La greffe du tissu ovarien
Une fois que le tissu ovarien est prélevé en salle d’opération, il est transporté dans un « milieu » qui est placé dans un tube pour aller au laboratoire, où il est coupé en petits fragments et congelé. Il est important de s’assurer que le tissu ovarien ne souffre pas durant le transport et de sa survie pendant sa congélation.
Au moment de la transplantation des tissus ovariens décongelés, se posent deux points critiques : d’une part, la revascularisation de la greffe et d’autre part, l’absence de cellules cancéreuses dans les tissus à greffer.
Gestion du premier point critique
Il faut savoir que le tissu que l’on va greffer ne contient pas de vaisseaux. Par conséquent, il faut attendre quelques jours pour que les vaisseaux de la patiente viennent revasculariser les tissus. « Pendant ce temps-là, on observe une perte de 50 % du matériel de follicules ovariens. C’est pourquoi des stratégies innovantes sont en cours d’élaboration au sein de notre laboratoire de recherche dans le but d’obtenir de nouvelles techniques de greffes au moyen de cellules souches adipeuses. Ces dernières vont permettre de réduire le temps de revascularisation et par conséquent de conserver un potentiel de fertilité qui est plus élevé. », explique le Pr Marie-Madeleine Dolmans, responsable du laboratoire de recherche en gynécologie aux Cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles.
Gestion du deuxième point critique
L’utilisation de techniques de biologie moléculaire extrêmement précises et pointues vont permettre d’étudier l’existence d’un risque réel pour chaque type de maladie. Pr Marie-Madeleine Dolmans : « Pour les patientes leucémiques qui ont des tissus congelés dans notre banque, nous maximisons tous nos efforts au laboratoire de recherche pour qu’elles puissent utiliser ce tissu ovarien pour leur fertilité future. Cela s’appelle « le projet de l’ovaire artificiel ». Il y a deux étapes. La première consiste à éliminer les cellules leucémiques du tissu grâce à des anticorps spécifiques. La deuxième partie du projet qui est l’ovaire artificiel en soi est très challenging, c’est-à-dire qu’il faut aller isoler les follicules à partir du tissu ovarien, et ensuite trouver une matrice pour qu’ils puissent mûrir comme il faut après la greffe. Cette matrice est donc une substance gélatineuse qui va englober les cellules précieuses de l’ovaire et qui pourra être regreffée à la patiente. »
Intéressant à savoir
En 1996, la Belgique a été le premier pays à implémenter la technique de congélation du tissu ovarien aux Cliniques universitaires Saint-Luc, suivie de près par la Suède. Depuis 1996, cette technique est proposée lors d’une première consultation avant de commencer les séances de chimiothérapie. Elle concerne les femmes jeunes qui ont un désir de grossesse après leur guérison. Car rappelons-le : grâce aux progrès technologiques, de plus en plus de jeunes femmes guérissent de leur cancer (leucémie, lymphome, cancer du sein et de l’ovaire, mélanome…).
Taux de succès
Depuis 1996, plus de 200 bébés à travers le monde sont nés grâce à cette technique de préservation du tissu ovarien.
En terme de succès, on peut différencier :
- Le succès de la greffe. On peut dire qu’un tissu ovarien « fonctionne » à nouveau quand il sécrète les hormones sécrétées normalement par l’ovaire. Aujourd’hui, le taux de réussite est de plus de 95 %.
- Le succès de la reproduction. Le taux de succès n’est pas le même malheureusement… Sur 10 patientes greffées, 4 patientes auront au moins 1 bébé grâce à cette technique.
Source
Webinaire de la Fondation contre le Cancer « Cancer et préservation de la fertilité », organisé le 11 novembre 2020.
Découvrez nos autres articles dédiés à la santé.