L’art de soigner est un ouvrage qui nous apprend beaucoup… « Vingt-trois secondes, c’est le temps moyen accordé par un médecin à son patient avant de lui couper la parole. Durée moyenne de la consultation : quinze minutes. Quatre-vingt-dix pour cent des consultations se termine par la prescription d’un médicament, dont une boîte sur deux finira à la poubelle. »
Aujourd’hui, on soigne tout le monde, mais combien de personnes guérit-on ? Notre système de santé est-il bienveillant ?Pour y répondre, le docteur Alain Toledano a créé l’Institut Rafaël, un établissement où l’on pratique la « santé intégrative ». Chaque patient, traité pour une maladie chronique, suit un parcours de soins personnalisé centré sur l’activité physique, la prise en charge émotionnelle, le bien-être, la psychologie, la nutrition… Il reçoit du temps, de l’attention, de l’écoute.

Cette maison de santé sociale et solidaire, située à Levallois-Perret, fonctionne grâce au mécénat. Les soins sont gratuits pour les patients et les aidants. L’objectif est de développer l’expérience partout en France. Ce livre y participe.
Cancérologue-radiothérapeute, ancien chef de clinique des Hôpitaux de Paris, Alain Toledano est directeur du centre de cancérologie Hartmann et a fondé en 2018 l’Institut Rafaël – premier centre européen de médecine intégrative. Depuis 2021, il dirige la Chaire de Recherche en Santé Intégrative au CNAM (Conservatoire national des arts et métiers).
Voici un extrait de l’art de soigner
« Docteur, est-ce que je suis guéri ? »
Je pourrais passer des heures à traiter cette question.
Mes patients me la posent souvent. C’est pourtant une question piège. Que dit-elle de la santé et de la maladie ?
D’abord, que la santé est parfois une question de point de vue. Plutôt que de chercher la réponse en eux, plutôt que de se demander « suis-je guéri ? », « comment je me sens ? », « suis-je en bonne santé ? », certains patients accordent au médecin le pouvoir de la leur révéler. Comme s’il s’agissait d’une puissance occulte que seule une poignée d’initiés était capable de distinguer correctement et de prononcer. « Oui, vous êtes à présent en bonne santé », voudraient-ils entendre. Une sentence édictée par un médecin juge.
Ensuite, que certains ont besoin de se l’entendre dire. Que le ressentir ne leur suffit pas. Ils veulent de la réassurance, de l’espoir. Pour ceux-là, le médecin est bien plus qu’un technicien. Il n’est pas là pour fabriquer de la santé ou en parler, il est là pour l’offrir, la transmettre, créer de la joie, du soulagement. Le médecin apaise. Malgré tout.
Enfin, la maladie est parfois insidieuse, cachée, tapie, à l’affût. On s’en méfie beaucoup, même sans la voir. On sait que, pour la débusquer, il faut certains outils. Éprouver un sentiment de bonne santé ne suffit pas : c’est parfois même trompeur. Il y a les constantes à surveiller, la présence éventuelle d’agents pathologiques indétectables au premier abord, les maladies asymptomatiques, un terme devenu familier et anxiogène… des symptômes trop diffus ou trop techniques pour être bien compris et qui sont autant de semeurs de doutes. Tous ces éléments nécessitent l’œil de l’expert : le médecin. Et le médecin expertise.
Et pour finir (et c’est peut-être le plus important), la santé n’est fondamentalement pas entre les mains du patient, mais entre celles du médecin. Si on cherche des maladies, on en trouve toujours. De nombreux déséquilibres, physiologiques, bien sûr, mais aussi environnementaux, sociaux, émotionnels, sexuels, psychologiques seront prestement considérés comme des maladies ou des écarts à la santé par un médecin, mais pas par un autre (!). Le diagnostic une fois posé figera le patient dans un statut de malade ou de bien portant, dont seul le médecin aura le pouvoir de l’extirper. Là où il n’y avait que la santé, le médecin fait apparaître la maladie. Le médecin crée la maladie.
Je pourrais passer des heures à traiter cette question.
J’ai préféré lui consacrer un livre.

L’avis de la rédaction
J’ai trouvé L’art de soigner du Dr Alain Toledano à la fois inspirant et stimulant. Ce qui m’a le plus marqué, c’est son plaidoyer pour une médecine profondément humaine, centrée sur l’écoute et le dialogue. On sent une réelle volonté de replacer le patient au cœur du soin, dans toutes ses dimensions — physique, émotionnelle, sociale, psychologique. Cette approche intégrative, qui ne se limite pas au traitement de la maladie mais qui cherche à accompagner la personne dans sa globalité est extrêmement intéressante.
La lecture est agréable, fluide, et parfois même réconfortante. Certaines phrases résonnent comme des évidences, et l’auteur réussit à transmettre une vraie vision : celle d’un médecin qui apaise autant qu’il soigne. J’ai particulièrement apprécié les exemples concrets et les rappels sur le manque d’écoute dans la pratique médicale actuelle (comme le fait qu’un médecin interrompt un patient au bout de 23 secondes alors qu’il faut 90 secondes pour exprimer une émotion simple).
Cela dit, le livre n’est pas exempt de limites. On sent parfois des répétitions dans le propos, et certaines pistes évoquées — liées à la naturopathie ou aux médecines dites « douces” – peuvent sembler encore insuffisamment étayées scientifiquement. Mais au fond, elles s’inscrivent dans une démarche d’ouverture et d’accompagnement, et non comme des substituts aux traitements médicaux.
En résumé, L’art de soigner est un ouvrage qui m’a fait réfléchir sur la place du médecin, mais aussi sur le rôle actif que chacun peut avoir dans sa santé. Une lecture que je qualifierais d’humaniste, accessible et inspirante.