En course à pied, une fracture de fatigue est si vite arrivée… Le Dr Jacques Mehlen, médecin spécialiste en orthopédie et traumatologie aux Hôpitaux Robert Schuman (HRS), nous livre quelques astuces pour la reconnaître, la traiter et surtout la prévenir !
La fracture de fatigue, appelée aussi fracture de stress, est une petite fêlure de l’os provoquée par des contraintes répétitives et importantes. Elle est le résultat d’une pratique sportive intensive, et se distingue d’une fracture classique. « La fracture de fatigue survient le plus souvent lorsqu’un os est trop et mal sollicité. C’est le cas lors de la pratique de la course à pied si on modifie brutalement le niveau d’intensité et le type d’entraînement ou ses habitudes de courses (type de sol, chaussures…).», explique le Dr Mehlen.
D’autres facteurs de risque sont aussi évoqués
Ces facteurs de risque sont :
- des facteurs biomécaniques, tel que le genou valgum (jambes en « X ») p.ex. qui augmente le risque de tension sur le tibia,
- l’ostéoporose, une maladie qui fragilise les os en diminuant la masse osseuse,
- le RED-S (Relative Energy Deficiency in Sport) qui se caractérise par une diminution volontaire des apports caloriques combiné à une pratique intensive d’un sport. « Ce genre de pratique s’observe le plus souvent dans les sports liés aux catégories de poids et aux sports d’endurance. Il expose le sportif à un réel danger pour sa santé. Les risques les plus récurrents sont des dysfonctionnements hormonaux et une diminution de la densité minérale et osseuse induisant un risque élevé de fracture. Une sensibilisation auprès des sportifs professionnels et récréatifs est donc primordiale. », note le Dr Mehlen.
Où se situe-t-elle ?
90 % des fractures de fatigue se localisent au niveau des membres inférieurs. Les os les plus concernés sont le tibia, le péroné, les 2e et 3e métatarses et le calcanéum. Plus rarement, les membres supérieurs sont atteints. C’est le cas des gymnastes, des joueurs de tennis et de base-ball qui sollicitent fortement les poignets.
Symptômes et complications
Les symptômes possibles sont un gonflement et des douleurs qui perdurent dans le temps. « En réalité, il n’existe pas un tableau clinique toujours spécifique. Une personne qui pratique la course à pied présentera des douleurs essentiellement vers (à) la fin de son parcours decourse. Après 1 ou 2 jours de récupération, les douleurs disparaîtront. A la prochaine séance, les symptômes se manifesteront à nouveau possiblement plus tôt au cours de la pratique. », indique le Dr Mehlen. Et il ajoute : « Si le sportif ne s’octroie pas des périodes de repos et ne diminue pas le niveau d’intensité, les douleurs risquent d’augmenter ou d’apparaître en début de course. Plus tardivement, la personne peut éprouver des douleurs à la marche quotidienne, voire même une impossibilité à marcher. La fracture de fatigue peut, si elle n’est pas traitée à temps, évoluer vers une fracture classique. »
La fracture de stress n’est pas une fatalité !
Dès l’apparition des premiers symptômes, il conviendra de modifier votre entraînement et de programmer des périodes de repos. Si votre état ne s’améliore pas, n’hésitez pas à consulter votre médecin traitant qui pourra confirmer le diagnostic d’une fracture de fatigue ou toute autre cause pouvant expliquer une douleur (tendinite, déchirement musculaire…).
Examen clinique
Le diagnostic est souvent compliqué à poser car, selon la localisation de la douleur, l’examen clinique peut être aspécifique. De plus, dans les premiers temps, les fractures de fatigue sont généralement difficilement décelables à la radiographie. Il faut en effet attendre quelques semaines pour distinguer plus précisément le trait de fracture ou d’autres changements radiologiques. L’IRM est l’examen de premier choix : il permet de voir plus tôt des changements (oedème, trait de fracture). Le scanner est envisagé pour suivre l’évolution de la fracture.
Et si ce n’était pas une fracture de stress ?
La présence d’une douleur et d’un œdème (gonflement) au niveau des membres inférieurs peut aussi révéler :
- une fracture classique avec douleur, œdème, hématome et impotence fonctionnelle.
- une ostéomyélite qui est une infection grave de l’os. Les principaux symptômes sont la douleur, un gonflement, de la fièvre et des frissons. Ce type d’infection est rare.
- un œdème de la moelle osseuse. Celui-ci peut apparaître sans cause apparente ou secondaire à une lésion de surcharge. L’oedème est facilement diagnostiqué par IRM.
En cas de doute, mieux vaut consulter votre médecin généraliste.
Que faire ? Surtout du repos
Pour soulager efficacement la douleur, le traitement est simple : du repos !
La mise en place d’un traitement conservateur est nécessaire afin de réduire la charge sur l’os. Il comprend un arrêt de la pratique sportive durant une période de 3 semaines à 4 mois, l’utilisation d’une botte de marche ou le port de béquilles. « Nous privilégions toujours les bottes de marche à la pose d’un plâtre. Il est souvent inutile de devoir immobiliser complètement la jambe. Diminuer la surcharge sur les tissus osseux suffit amplement en général. Les bottes de marche ont l’avantage de pouvoir être enlevées la nuit, au plus grand bonheur des patients. », note le Dr Mehlen. « Un sportif de haut niveau ou ambitionné ne devra pas forcément faire un arrêt complet de son activité physique durant un laps de temps prolongé. Le médecin peut lui conseiller de pratiquer le vélo ou la natation. Ces deux sports offrent en effet l’avantage de réduire la charge, et de garder la forme. Alternativement on peut profiter de cette phase pour faire des exercices de renforcement musculaire et de stabilisation du tronc. », ajoute-t-il.
Le traitement médical est envisagé en fonction du degré de sévérité de la fracture. Notons que les fractures considérées comme étant à « bas risque » réagissent très bien au traitement conservateur.
Comment s’en protéger ?
Quelques règles simples peuvent être appliquées pour prévenir au mieux la fracture de stress :
- alternez les périodes d’entraînements intensifs et moins intensifs, et programmez des périodes de repos,
- évitez de changer radicalement vos habitudes d’entraînement. Si vous souhaitez courir sur une autre surface ou remplacer vos chaussures usées, mieux vaut vous y habituer en alternant au début,
- pour celles et ceux qui veulent débuter la course à pied, il est recommandé d’accroître la charge par 10 % chaque semaine,
- favorisez un apport régulier en vitamine D et en calcium par le biais d’une alimentation équilibrée. Si votre dosage sanguin en vitamine D n’est pas dans les normes, une substitution peut être requise.
Consultations aux Hôpitaux Robert Schuman
Saviez-vous que les Hôpitaux Robert Schuman ont mis en place des consultations en médecine du sport réservées à tous les sportifs ?
Ces consultations ont lieu entre 07h45 et 11h00 les lundis matins avec ou sans rendez-vous à la polyclinique de l’Hôpital Kirchberg.