La réalité virtuelle pour traiter les phobies

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Peur de la foule, peur des araignées, peur du vide, peur de l’avion, peur de la conduite d’un véhicule… Il n’est pas toujours facile de surmonter sa plus grande angoisse. Face aux thérapies classiques par exposition, quels sont les enjeux de la réalité virtuelle (RV) dans le traitement des phobies ? Pour aborder la question, nous avons assisté à la présentation d’Anne-Marie Etienne, Professeure ordinaire et Vice-Doyenne à l’enseignement à la Faculté de Psychologie, Logopédie et Sciences de l’Éducation de l’ULiège lors d’un webinaire intitulé « Des thérapies 3D pour les phobies : quelles conséquences pour l’usager ? » et organisé le 8 mars 2021 dans le cadre des Grandes Conférences de l’ULiège. 

Définition de la phobie

Le DSM-V (manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, version 5) définit la phobie comme étant « une peur marquée et persistante, de manière excessive ou déraisonnable, déclenchée par la présence ou l’anticipation d’un objet ou d’une situation spécifique. » Cette peur excessive entraîne très souvent des comportements d’évitement. La personne met en place des stratégies dans le but de diminuer voire d’éviter sa phobie, mais aussi les symptômes physiologiques qui accompagnent cette peur.

Il existe un nombre incalculable de phobies, certaines étant plus répandues, d’autres plus inhabituelles.

La réalité virtuelle ?

La réalité virtuelle est un ensemble de matériels technologiques permettant aux individus d’explorer un environnement virtuel 3D en temps réel géré par un ordinateur et d’interagir efficacement avec celui-ci.

L’utilisateur peut agir dans l’environnement virtuel selon deux points de vue :
Égocentrique : la caméra est à la place des yeux de l’utilisateur.
Allocentrique : l’utilisateur choisit un personnage virtuel (avatar) pour le représenter graphiquement dans un univers virtuel.

De l’immersion à la présence

Quels sont les facteurs qui influencent la propension à utiliser la réalité virtuelle ?

Le premier facteur important est l’immersion de l’utilisateur. Au niveau technologique, il s’agit de se demander jusqu’à quel point la technologie, qui nous place dans un environnement virtuel, donne une illusion de réalité à nos sens. Pour ce faire, la conception de l’outil tient compte de ce que la personne « perçoit » et « ressent ». En effet, un certain degré de réalisme permettra à l’utilisateur de pouvoir s’immerger dans le monde virtuel.

Un second facteur important est la présence, c’est-à-dire le niveau de « conscience » de l’utilisateur (= l’impression d’être là, dans l’environnement virtuel, et non plus dans le bureau). Ce sentiment de présence est obtenu grâce à l’intégration multisensorielle. Pr Anne-Marie Etienne explique : « La réalité virtuelle est une interface qui implique de la stimulation en temps réelle et des interactions multiples via de multiples canaux sensoriels : vision, audition, toucher, odorat et goût. Pourquoi ? Tout simplement parce que l’objectif majeur de la réalité virtuelle est d’extraire l’utilisateur du monde physique dans lequel il se trouve. »

Peut-on améliorer l’expérience immersive ?

La qualité de l’expérience immersive se mesure par 3 éléments :
Le sentiment de présence. Le sentiment de présence comprend trois dimensions : la présence personnelle (« être présent dans le monde virtuel, en oubliant l’environnement physique qui est autour »), la présence environnementale (« l’environnement va réagir à mes réactions et mes actions ») et la présence sociale (« le sentiment de ne pas être seul dans cet environnement virtuel »).
Le niveau de réalisme. Le niveau de réalisme correspond au degré de convergence entre mes attentes et l’expérience réelle dans l’environnement virtuel.
Le degré de réalité. Il correspond à mes réponses face aux stimuli de l’environnement virtuel.

Comment traite-t-on habituellement la phobie ?

Le traitement classique de la phobie est basé sur un principe assez simple : la thérapie par exposition. Lors de ce traitement, il est important d’établir tout d’abord une hiérarchie des situations où la personne craint d’être en contact avec l’araignée. Cette liste des situations permet de décider de l’ordre dans lequel la personne accepte de se confronter ou de s’exposer graduellement, de manière sécurisée et contrôlée à l’araignée.

Grâce à la thérapie par exposition, le patient peut faire deux apprentissages :
1. Les conséquences que la personne craint (par ex. les morsures) n’arrivent pas nécessairement.
2. Lors de l’exposition, la personne observe un phénomène important : au moment où elle regarde l’araignée, elle a peur; cette peur monte pendant qu’elle se rapproche de l’araignée mais la personne fait aussi l’expérience, que si elle reste en présence de l’araignée, sans rien faire de particulier, cette peur diminue petit à petit, avec le temps qui passe.

Qu’en est-il de la réalité virtuelle ?

La réalité virtuelle a, elle aussi, l’avantage de déconstruire les craintes et de permettre aux personnes de s’exposer à la situation ou à l’objet phobogène. 

Des études de recherche actuelles montrent qu’« au niveau cérébral », la réalité virtuelle permet de « déprogrammer » l’amygdale (gestion des émotions, réactions de peur, d’anxiété, d’agressivité) et de « reprogrammer » le cortex préfrontal (mémoire à court terme, prise de décision, prise d’initiative). « On vise dès lors un changement de point de vue et d’interprétation de l’objet de la peur. L’interprétation de la situation devient plus réaliste. L’avantage majeur de la réalité virtuelle, par rapport à la thérapie classique par exposition, c’est qu’elle va permettre d’apprendre plus facilement et plus vite de nouvelles associations sans mettre en danger l’utilisateur. », souligne le Pr Anne-Marie Etienne.

« Au niveau cognitif », la réalité virtuelle permet trois contributions importantes :

  • L’augmentation de la perception d’efficacité personnelle. « Je me sens plus apte à faire face à ma phobie. »
  • La réduction des croyances dysfonctionnelles. « Une araignée agit toujours de façon agressive. »
  • L’apprentissage tiré de l’exposition. Le patient se trouve dans un processus plus positif centré sur l’apprentissage et non plus sur l’évitement.

La Thérapie par Exposition à la Réalité Virtuelle

La thérapie par Exposition en Réalité virtuelle (TERV) permet d’obtenir une diminution de la peur et de la disparition des comportements d’évitement. Le traitement est constitué d’un apprentissage de techniques d’apaisement (relaxation, respiration), d’expositions progressives, répétées et hiérarchisées aux situations anxiogènes. Pr Anne-Marie Etienne : « En réalité virtuelle, la réalité est remplacée par des stimuli créés artificiellement et controlés dans un environnement 3D. La confrontation aux objets phobogènes va dans un premier temps entraîner une augmentation de l’anxiété. Le patient va finalement pouvoir s’habituer progressivement à ce qui se passe physiologiquement dans son organisme lorsqu’il est en présence d’un objet phobogène. Cette habituation aux stimuli va lui permettre de diminuer sa peur et son comportement d’évitement. Il pourra dès lors transférer ce qu’il aura appris dans les séances de réalité virtuelle, dans la réalité, en vue de retrouver une meilleure qualité de vie. »

Efficacité et avantages de la TERV

En terme d’efficacité à long terme, les thérapies par exposition en RV s’avèrent aussi efficaces que les thérapies « classiques ». Outre les phobies, la TERV est particulièrement indiquée pour les troubles anxieux généralisés, la peur de parler en public, etc.

Les conséquences positives de la TERV sont entre autres la réduction des coûts, l’interactivité, l’augmentation du sentiment de confiance et d’auto-efficacité, la création d’une expérience standardisée. Par ailleurs, la réalité virtuelle pas l’alliance thérapeutique (collaboration entre le thérapeute et le patient).

Source

Letz be healthy – Été 2021.

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