La dépendance au sport porte un nom : bigorexie, sportoolisme ou l’addiction au sport. C’est une réelle dépendance à l’activité physique. Comme toute addiction, cette « maladie » peut s’avérer dangereuse.
L’addiction au sport ou la bigorexie est une maladie reconnue par l’Organisation Mondiale de la Santé 8(OMS) depuis 2011 mais elle reste encore peu connue du public. Elle peut aussi bien toucher les sportifs de haut niveau que les sportifs amateurs. Tous sont devenus dépendants à la suite d’une pratique excessive de sport.
Se dépasser
Beaucoup de sportifs aiment se fixer des objectifs, ont pour but de toujours se dépasser, toujours faire mieux, toujours aller plus loin. Selon l’Inpes (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé), « L’addiction au sport est considérée comme une véritable addiction comportementale à l’instar de l’addiction au jeu, à Internet, au travail (workaholism), à la nourriture (boulimie) ou encore au shopping (achats compulsifs). »
Le sport, leur drogue
Tout le monde sait que le sport libère des endorphines (hormone du bonheur) libérées par le cerveau (par l’hypothalamus et l’hypophyse) : ces dernières procurent un sentiment d’extase, de légèreté, de puissance, de bien-être, de bonheur. Ces endorphines ont des effets similaires à la morphine ou à l’opium. Grâce à elles, les sportifs se sentent bien dans leur peau et encore mieux lorsqu’ils pratiquent leurs sports favoris. Afin de libérer cette endorphine, le corps a besoin de se dépenser au moins 30 à 45 minutes.
Les sensations ressenties grâce à la libération d’endorphines peuvent être considérées comme celles ressenties après une prise de drogue. À la différence que celles-ci sont bénéfiques à l’organisme. Et il n’y a aucun effet de dépendance physique (comme c’est le cas avec de la drogue). Mais on peut parler d’addiction psychologique.
Une personne atteinte de bigorexie fera passer le sport avant tout autre chose. Pour elle, le sport est sa priorité ultime. Il faut tout de même prendre garde à ce que cela ne prenne pas le pas sur la vie professionnelle ou privée car les conséquences pourraient être lourdes.
Un effet euphorisant
Les sportifs décrivent leur état comme un état de grande euphorie, un sentiment de puissance extrême. Les coureurs de fond parlent de l’addiction au sport comme d’un extase ! C’est un état de calme et de sérénité qui persiste après l’effort et qui procure un profond état de bien-être et de fierté.
Un jour mon frère, triathlète et adapte des Iroman m’a dit : « J’aime le fait de savoir que je suis capable de faire quelque chose que les autres sportifs ne sont pas forcément capables de faire. Cela me procure un sentiment d’exister, réussir de belles épreuves, c’est une manière de me prouver que je suis capable de cela. Et surtout de faire quelque chose que je pensais être incapable de faire un jour. C’est grisant. »
Un effet anxiolytique
Le fait de pratiquer un sport vide la tête : on pense à se surpasser et on met de côté ses problèmes personnels, ses problèmes au travail, ses contrariétés de façon générale. Ainsi, les grands sportifs souffrent théoriquement moins du stress que les autres. Mais pour évacuer le stress, il est nécessaire de faire du sport à 70% de sa fréquence cardiaque durant au moins 20 minutes. Les effets peuvent durer jusque 6 h après l’effort qui a été fait.
Effet antalgique et anti-fatigue
La libération d’endorphines a un autre effet positif non négligeable : elle permet d’élever le seuil de la douleur que le corps du sportif doit endurer. Grâce à cela, les sportifs sentent moins ou pas leurs douleurs musculaires ou tendineuses. Mais attention car cela peut également masquer certains signes d’infarctus et là, les conséquences peuvent être graves et même fatales. Les endorphines limitent l’essoufflement et la sensation d’épuisement en modérant les fonctions cardiaques et respiratoires.
Les sports les plus endorphinogènes
Jogging, vélo, natation, balades en raquettes ou ski de fond, le fitness, le step, les sports en salle, le football, le basket, le handball, l’athlétisme.
Le sport, leur dépendance
La dépendance psychologique est bien réelle. Les accros au sport ne peuvent s’en passer et en cas de blessure et d’arrêt forcé, c’est le drame. Les sportifs se sentent mal dans leur peau, en état de manque, ils sont irritables et peuvent être désagréables alors qu’ils ne le sont pas habituellement.
Benoît, triathlète blessé continue à faire du vélo alors que ses médecins lui ont demandé de se mettre au repos mais il en est incapable depuis des mois. De l’extérieur, c’est difficile à comprendre car on peut se demander comment on peut finalement mettre sa santé en péril en n’écoutant pas les conseils de professionnels de la santé ! Ces sportifs ne peuvent s’empêcher de flirter avec les limites et n’écoutent par leurs corps. Leur addiction au sport est plus forte que toute autre chose.
Le sport, leur dépendance
Attention, cela n’est pas une généralité mais beaucoup de personnes atteintes de bigorexie ont également des troubles alimentaires associés. Ces personnes sont souvent à la recherche du corps parfait. Ils souhaitent perdre du poids et modeler leurs corps, avoir un poids faible. La bigorexie est souvent associée à l’orthorexie qui est une volonté catégorique de manger exclusivement une nourriture saine et le rejet des aliments perçus comme mauvais pour la santé.
Attention danger !
Les personnes atteintes de bigorexie ont tendance à en faire toujours plus et à avoir des activités qualifiées d’excessives. Ces personnes transgressent la douleur et la sensation d’épuisement. Le problème est que le corps a ses limites et que, une fois atteintes, il faut s’attendre un jour ou l’autre à avoir des blessures, des faiblesses et là, c’est le drame. Imaginez un accro du sport qui doit s’arrêter pour se soigner… La bigorexie peut entraîner des claquages, des tendinites, une fatigue chronique, mais aussi des infarctus. Autre point négatif, la pratique sportive intense creuse le visage, l’oxyde et fait vieillir prématurément les cellules de l’organisme.
Ne pas en arriver là !
Si vous vous rendez compte que vous en êtes là, réagissez ! Il faut consulter afin de continuer à faire du sport mais de manière raisonnée et raisonnable. Car à ce stade, le sport n’est plus un plaisir mais un besoin.
Témoignage : l’épouse d’un accro au sport
« Je peux affirmer sans crainte de représailles que mon époux, Jean-Philippe, sait ce qu’est l’addiction au sport mais puis-je affirmer qu’il est atteint de bigorexie, je ne sais pas et je ne le pense pas. Il est clair qu’il est incapable de rester une journée sans faire de sport (une à deux fois par jour). Qu’il fasse beau, qu’il pleuve, qu’il vente, s’il avait prévu quelque chose, rien ne le fera reculer. C’est juste impressionnant car j’ai parfois du mal à comprendre où il trouve la force, le courage et l’envie d’y aller… Par contre, il aime et sait profiter des bonnes choses de la vie et n’a pas de troubles alimentaires.«
Histoire
Le dimanche 30 juin dernier a eu lieu l’Iroman de Francfort. Pour ceux qui ne connaissent pas, c’est une épreuve où l’on enchaîne 3,8 km de natation, 185 km de vélo et un marathon, soit 42,2 km de course à pied. À cette date, la canicule battait son plein et la tension au départ était perceptible. Les 2500 athlètes étaient sous pression et c’était palpable. Le temps était tellement inadapté que 500 participants n’ont pas franchi la ligne d’arrivée.
Nous sommes arrivés à Francfort la veille, histoire de s’installer et se préparer. La nuit, Jean-Philippe a été victime d’un incident idiot, il s’est tordu la cheville sur le tapis de la SDB de l’hôtel dans lequel nous logions. Sa cheville a craqué et il s’est fait une vilaine entorse. Sa préparation ayant duré 5 mois, il ne se voyait pas abandonner pour cela.
Beaucoup l’aurait fait et cela aurait été normal. Lui non… sa cheville a gonflé et est devenue toute bleue et à 4h du matin, il se levait tout de même pour aller rejoindre le départ. La natation fut difficile, le vélo pas du tout et le marathon fut un réel calvaire. Malgré tout, la chaleur, les douleurs dans tout le corps ne l’ont pas empêché de terminer son Iroman en 12h57 alors qu’il souhaitait le finir en 11h environ.
Il a terminé la course grâce à un mental d’acier. Etait-il bien raisonnable de prendre le départ ? Bien sûr que non ! Mais il l’a fait et l’équipe de la Croix Rouge qui l’a pris en charge à l’arrivée pour lui prodiguer les premiers soins était sidérée de savoir qu’il avait fait cette longue et rude épreuve en étant blessé de la sorte. Voici ce qu’un « dingue » de sport est capable de faire pour aller au bout de sa passion. Pas raisonnable pour certains ! Admirable pour d’autres ! Voilà où peut mener l’addiction au sport !
Témoignage d’une Sport-Addict, Servane Heudiard
Le sport est bon pour la santé, forcément. C’est ainsi qu’il est perçu, de façon positive. Pourtant, il peut devenir une drogue aussi redoutable et addictive que les autres. Il devient alors bigorexie, maladie reconnue officiellement par l’OMS en 2011. Comme l’alcool, le tabac ou l’héroïne, il apporte un bien-être euphorisant au détriment de votre santé et met votre vie en danger. Vous y sacrifiez progressivement votre entourage familial et amical et la plupart des autres activités, y compris professionnelles.
Vous risquez les blessures, parfois graves. Vous avez besoin de toujours plus, vous faites toujours plus, et en arrivez à des comportements totalement déraisonnables. De plus en plus de personnes sont touchées par cette véritable pathologie, cette dépendance encore taboue. C’est tout ce processus destructeur qui part pourtant d’une pratique sportive innocente que Servane explique dans ce livre autobiographique. Ce témoignage sensible et sans filtre aidera également les proches de personnes sport-addicts à identifier et comprendre ces dernières, afin de leur apporter le soutien dont elles ont besoin.
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Servane Heudiard a témoigné sur son problème de bigorexie sur Radio France Culture.
Un état de bien-être intense grâce au sport
Servane parle dans ce reportage hyper intéressant : « de cet état de bien-être intense que les coureurs et sportifs de haut niveau éprouvent en pleine activité physique. Dans cet état, les sportifs ne sentent plus la douleur, ils n’ont pas d’anxiété et se sentent détendus, libres ou libérés des tensions, en pleine possession d’eux et de leurs corps. »
Servane explique : « On atteint des sommets de plaisir. L’atteinte de ce Nirvana, de cette transe dépend de la durée et de l’intensité de l’activité bien entendu. Non, ces personnes ne sont pas dingues ! Les chercheurs ont d’abord attribué cet état de coït sportif aux endorphines. D’autres chercheurs allemands montrent que c’est l’enképhaline, un peptide qui transporte ces endorphines vers le cerveau… entraînant donc le bien-être. Servane nous explique aussi que plus récemment encore, on découvre l’implication d’autres neuro-transmetteurs : les endocannabinoïdes.
Notons qu’ils sont dérivés de la marijuana et qu’ils sont présents dans nos corps. Ces derniers sont libérés en plus grande quantité dans le corps lors de l’exercice physique, en plus de l’effet analgésique qui diminue la douleur et provoque un état d’euphorie, comme quand on fume un joint en somme… Des recherches sont en cours pour décrire les raisons de ces ravissement psychosomatiques dus au sport et qui poussent des sportifs de l’extrême à en vouloir toujours plus et parfois un peu trop ! »
A écouter aussi, Le podcast de Laurent Karila, davantage axé sur toute la problématique de la bigorexie elle-même au travers de l’exemple de Servane c’est ici.